En voici le texte, transmis le 27 mars à la direction nationale du MRC, et les signataires:
Congrès MRC 2015
Motion présentée par Serge MAUPOUET et Michel SORIN, membres du Conseil national
Il
n'y a désormais plus de doute. La gauche ne pourra gagner l'élection
présidentielle 2017 que si elle présente un candidat commun dès le
premier tour et si - mais cela va de pair - elle est capable de
rassembler son électorat autour d'un projet social et républicain de
redressement de la France.
Ce
n'est pas la voie choisie par le Président de la République, qui a opté
pour un gouvernement dont la ligne politique est minoritaire à gauche.
Celle-ci consiste à satisfaire les volontés des forces libérales au sein
des institutions européennes, ce qui va à l'encontre des attentes de
l'électorat de gauche et des intérêts du peuple français.
La
division des forces politiques de gauche, que l'on a constatée encore
lors des élections départementales le 22 mars, s'explique par la nature
de la politique économique menée par le gouvernement, qui refuse le
principe même d'une confrontation au niveau européen.
Le
choix de soumission aux trois B - Bruxelles, Berlin, Bercy - est
contraire aux engagements électoraux du président et se révèle mortifère
pour la gauche et pour la France. Mais il serait encore possible de
modifier le cours des choses lors du congrès du Parti socialiste en juin
2015, si les membres du PS en avaient vraiment l'intention et le
pouvoir.
La responsabilité des militants du Mouvement Républicain et Citoyen est de réussir leur congrès, une
semaine après celui du PS, c'est-à-dire faire émerger un MRC dont les
trois lettres préfigurent le mouvement républicain et citoyen dont la
gauche et les Français ont besoin.
Voir nos interventions lors des précédents congrès :
Depuis
sa création en janvier 2003, le MRC s'est positionné sur une ligne
politique républicaine de gauche, dans le sillage de Jean-Pierre
Chevènement, en développant une stratégie d'influence auprès du Parti socialiste. Celle-ci
a montré ses limites, qui se situent à l'Assemblée nationale. Les trois
députés MRC s'expriment librement au sein du groupe SRC (Socialiste,
républicain et citoyen), mais sans pouvoir infléchir la politique de la
majorité gouvernementale. Celle-ci ne cherche pas à se soustraire à
l'emprise du capitalisme financier, qui se manifeste essentiellement par
le biais des institutions européennes, dominées par l'idéologie
néolibérale.
Le MRC doit en tirer les enseignements dans la perspective des prochaines échéances électorales nationales. Sans remettre en cause la stratégie d'influence, qui a son intérêt au sein des institutions démocratiques nationales, il s'agit de faire en sorte qu'elle s'appuie sur les citoyens, afin d'établir un rapport de forces qui soit favorable.
Pour
cela, nous devons dire clairement que le maintien de la France et de
l'Union européenne dans un état de semi-apesanteur démocratique n'est
plus acceptable.
Disons
clairement que la France doit reconquérir la plénitude de sa
souveraineté politique, ce qui peut être compatible avec des délégations
de souveraineté consenties par référendum. Le contre-exemple a été
fourni par le traité européen de Lisbonne, dont la légitimité n'est pas
assurée car sa ratification par le parlement français est contestable,
après la non ratification du traité constitutionnel européen - dont il
avait repris l'essentiel - par le peuple français, lors du référendum le
29 mai 2005.
Plutôt que de laisser le débat politique se décentrer autour de la peur de l'accession au pouvoir d'un parti populiste en France, il faut prendre les moyens politiques faisant régresser définitivement son
audience nationale. L'implantation de ce parti est le symptôme de
l'épuisement de partis politiques qui se sont dévoyés en mentant sur la
réalité de leur politique européenne, contraire aux intérêts nationaux
des peuples européens.
L'abstention et la démotivation citoyenne sont les conséquences de la dérive du système politique
qui s'est davantage préoccupé de lui-même dans un souci carriériste de
ses membres que de porter les problèmes et difficultés des citoyens dans
la vie quotidienne.
Plutôt que d'avoir peur des marchés financiers, il faut créer
les conditions du développement de l'économie française. Le capitalisme
financier néolibéral est à l'origine des divisions et des frustrations
qui traversent la société. Il a réussi à provoquer le morcellement
politique et syndical afin d'empêcher que se forme une alternative à la
politique de soumission à ses intérêts. Notre réponse doit être de
reconstruire à la fois la défense des salariés en tant que citoyens au
travail et la défense des entreprises contre leur spoliation par des
actionnaires n'ayant aucun souci de l'intérêt général et de l'importance
de l'économie réelle dans la vie d'un pays.
Nous devons prendre en compte les leçons des attentats de janvier 2015 à Paris, comme l'a fort bien indiqué Jean-Pierre Chevènement lors du colloque organisé par le Comité laïcité et République le 14 mars 2015. Crise de la laïcité, crise de la République, crise de la démocratie. Relevons le défi. Voir Nous sommes confrontés à une immense crise de la démocratie.
« L'idéal laïc doit nous aider à relever le défi.
La laïcité, c'est la croyance en la raison naturelle et en la capacité
des citoyens à s'entendre sur une idée du bien commun dans un espace
public soustrait à l'empire des dogmes (...).
La
crise de la démocratie est plus sensible encore dans une République
laïque comme la nôtre. Le triomphe d’idéologies obscurantistes résulte
de l’abandon ou de la méconnaissance de la laïcité comme condition de
validité de la formation d’une volonté générale, d’un bien commun à tous
les hommes.
C’est cette idée d’un bien commun qu’il faut relever.
J’ai dit « un bien commun à tous les hommes » et non à une partie des
hommes, par exemple à l’Occident. Il faut rejeter l’occidentalisme et
penser un avenir de progrès pour tous, y compris le monde arabo-musulman
qu’il faut réconcilier avec la modernité (Palestine, Iran). Mais cette
modernité, avons-nous su la rendre aimable ? Poser la question c’est y
répondre : la modernité du capital financier mondialisé suscite partout
un immense rejet. C’est une autre modernité qu’il faut faire aimer (…).
Il faut aussi expliquer la République et la laïcité, redonner sens au combat républicain
- inséparable du combat pour la justice - en France et dans le monde.
Ce qui unit doit être plus fort que ce qui divise. Relever l’Ecole de la
République n’est pas possible si on ne relève pas la République
elle-même (...) ».
Le MRC est l'héritier de cinquante ans de militantisme socialiste et républicain autour des idées de Jean-Pierre Chevènement.
Un parcours parsemé de succès et d'échecs, une ligne politique
constante et un logiciel républicain qui s'est affirmé au cours du temps
et dont la validité est confirmée par les évènements.
En 1969-1971, le CERES avait contribué à changer profondément la nature du Parti socialiste, ce qui ouvrait la voie au rassemblement de la gauche, préalable à la conquête du pouvoir.
En 2015-2017, le rôle du MRC est de rendre possible l'alternative républicaine et citoyenne par le rassemblement politique de la gauche, à tous les niveaux institutionnels, de la commune à la nation :
- autour du concept de nation citoyenne, fondateur de la République en 1792,
- autour de la souveraineté nationale et populaire, à redéfinir en récusant l'idéologie néolibérale et sa créature institutionnelle européenne,
- autour des idées qui ont permis au Conseil national de la Résistance de forger le compromis politique du redressement national à la Libération,
- autour du lien entre politique et économie productive à tous les niveaux institutionnels territoriaux.
La mission historique du MRC est d'amorcer le rassemblement des citoyens pour construire une alternative sociale et républicaine
à la politique libérale en vigueur depuis 1983. Le congrès 2015 doit
être décisif sur ce point. Sans attendre le mois de juin, le MRC
pourrait soutenir l'idée - qui a été lancée par Le Monde Diplomatique -
d'organiser des manifestions autour du 10ème anniversaire du refus du
peuple français de ratifier le traité constitutionnel européen. Le NON
républicain et le NON antilibéral auraient ainsi l'occasion de se
rapprocher en vue de préparer ensemble un projet social et républicain,
en rupture avec les politiques néolibérales.
Le
rôle du MRC est de confronter le logiciel Chevènement au vécu des
citoyens et d'inventer avec eux le projet social républicain adapté à
notre temps et à notre pays.
Les idées politiques que Jean-Pierre Chevènement porte depuis cinquante ans sont le logiciel du MRC. Il doit être mis à la disposition des citoyens par l'intermédiaire des militants dans les départements, animateurs de groupes locaux de citoyens et, à partir de là, s'enclenchera une dynamique militante. Le logiciel peut être enrichi à la demande des groupes, si les arguments qu'ils avancent sont pertinents.
N'oublions pas les concepts que nous avions forgés dans les années 1970 :
le mouvement d'en bas à relier au mouvement d'en haut, l'autogestion de
l'entreprise. Réactualisons, innovons, accueillons les idées nouvelles,
par exemple la revalorisation du travail du salarié, producteur de
richesse économique et sociale, dont la qualification doit être reconnue
et protégée. C'est le travail qui permet de produire la valeur
économique correspondant au salaire, mais aussi la valeur sociale sous
forme de cotisation. C'est ainsi que l'économie et le social sont
étroitement liés. C'est le développement de l'économie qui conditionne
la protection sociale.
Sous l'emprise du capitalisme financier, l'emploi enferme la valeur économique dans une logique marchande et devient une variable d'ajustement des dividendes pour les actionnaires.
La République doit faire de l'emploi, notamment dans l'économie productive, de la qualification professionnelle, de la qualité de l'instruction et d'une formation initiale ambitieuse pour tous, l'objectif n° 1.
Le MRC doit prendre l'initiative d'organiser le dialogue entre les citoyens et les professionnels par secteur d'activité afin de favoriser la démocratie économique et l'efficacité des secteurs productifs.
Il faut aussi réfléchir aux conséquences sociales du développement accéléré de l'économie numérique
dans les secteurs des communications, de l'énergie et des transports.
Ce peut être le moyen d'affaiblir le capitalisme financier et d'aller
vers une économie plus citoyenne.
Le Mouvement Républicain et Citoyen est devant une responsabilité historique.
Ce
congrès clôt une longue période de 50 ans de vie politique active de
Jean-Pierre Chevènement. Il va continuer à être présent mais
différemment. Nul doute que ses analyses politiques seront toujours
aussi appréciées. Mais il ne sera plus en première ligne. Il avait
espéré que le Temps des Citoyens viendrait dans les années qui ont suivi
la création du Mouvement des Citoyens, en 1993. Il a tout fait pour
mettre la citoyenneté et la République en avant lors de la campagne de
l'élection présidentielle de 2002. Ce n'était pas encore l'heure.
Celle-ci est peut-être venue. C'est le moment de donner un coup de jeune
à notre Mouvement et de le relancer.
Lors de notre congrès 2010, nous avions conclu notre contribution par ces quelques mots qui restent valables aujourd'hui.
« Au
moment où les faits nous donnent raison, notre priorité doit être de
rassembler et d'organiser nos forces, afin de donner du souffle à notre
combat politique. Il nous manque un peu de confiance en nous, en notre capacité militante de convaincre. Donnons-nous les moyens collectifs d’être nous-mêmes, sans complexes, le parti de rassemblement de la gauche républicaine.
Sortons de l’isolement en multipliant les contacts avec les autres forces progressistes, qu’elles soient politiques, syndicales et associatives. Attaquons-nous
aussi à l’isolement des militants en mettant en œuvre la dialectique
entre le mouvement d’en haut et le mouvement d’en bas. Organisons des déplacements de « mousquetaires » nationaux dans les départements, Jean-Pierre Chevènement montrant l’exemple.
Valorisons mieux les capacités militantes, en les sollicitant, pour utiliser Internet et d’autres moyens de communication. Faisons davantage confiance aux militants dans les régions et les départements. Ne
sous-estimons pas, au niveau de la direction nationale, le rôle
politique déterminant de la coordination, de l’animation et du
développement des fédérations départementales. La formation des
militants et des élus nécessite une structuration au niveau national et
des relais dans les régions.
Pratiquons la démocratie interne,
en faisant vivre le bureau national élu par les régions et les
départements. Avec le Conseil national, qui est réuni trois ou quatre
fois par an, le Bureau est l’instance « parlementaire » chargée de
contrôler l’exécutif, c’est-à-dire la direction (le secrétariat
national). Concrètement,
rassemblons dans l’action tous les militants de toutes les fédérations,
par le dialogue et le souci de dépasser les clivages anciens. »
Revenons à Jean Jaurès,
qui a su rassembler les socialistes au début du XXème siècle en
s'appuyant sur la République. Ce serait un bon moyen de renforcer les
fondations historiques du Mouvement au niveau des militants et de
favoriser le rassemblement des citoyens autour d'un projet social
républicain se substituant au social libéralisme qui est aux commandes de notre pays et qui a échoué.
Le congrès du MRC, à Paris-Bercy, doit
être le moment de mettre en valeur l'apport politique de Jean-Pierre
Chevènement ces 50 dernières années et d'adopter un projet politique
ambitieux et rassembleur, ouvrant enfin des perspectives sociales et
républicaines crédibles et porteuses d'avenir pour notre pays.
Serge Maupouet et Ricardo Mella (Charente-Maritime) - Gérard Beillard et Michel Sorin (Mayenne)